Des archives manuscrites pour la fouille
Les archives d’Indre-et-Loire conservent des documents en relation avec l’ancienne abbaye de Beaumont-lès-Tours, et parmi eux un registre particulièrement important pour l’équipe qui travaille sur les vestiges de l’établissement monastique. Une compilation de manuscrits apporte des précisions concernant les vêtures, professions et sépultures des religieuses, entre 1737 et 1791. Le registre (cote 6NUM6/261/931) est numérisé et consultable en ligne.
Trois types d’information sont consignées dans le registre
Les entrées des femmes dans l’abbaye sont enregistrées comme « prise d’habit ». Par exempe il est notifié en page 10 que « Le vingt neuf septembre mil sept cens trente neuf, Demoiselle françoise Pretefeille, fille dusieur Jacques Pretefeille Marchand demeurant paroisse de Valliaire, Diocèse de Tours et deffunte Françoise Aumaillon ses pere et mere ; a Eté reçue à la prise d’habit en qualité de Religieuse de Chœur en cette abbaye par son Altesse Serenissime Madame Louise Henriette Gabrielle Marie Françoise de Bourbon, princesse du sang, abbesse de cette abbaye et à Signée avec S.A.S [Son Altesse Sérénissime] Madame L’abbesse et Me [Maitre] françois Jacques Maumousseau prestre aumosnier de cette abbaye qui a fait la Ceremonie » [Suivi des signatures de l’abbesse, de Françoise Preteseille et du prêtre Maumousseau].
Cette prise d’habit durait environ une année en moyenne et la jeune femme avait alors deux possibilités : rentrer définitivement en religion en prononçant ses vœux lors de la profession solennelle ou renoncer à cette vocation. Dans le premier cas, le registre enregistrait « sa profession ». Ainsi, dans le cas de Françoise Pretefeille évoqué ci-dessus, il est mentionné à la page 12 du registre : « Le vingt deux novembre mil sept cent quarante, sœur Françoise Pretefeille agée de vingt cinq ans et demy, fille de deffunts sieur Jacques Pretefeille et Françoise Aumaillon son epouse de la paroisse de Valliere dioceze de Tours a fait profession en qualité de Religieuse de Chœur en cette abbaye de Beaumont lez Tours entre les mains de Son Altesse Serenissime Madame Louise Henriette Gabrielle de Bourbon princesse de sang abbesse de cette abbaye et à la dite sœur Pretefeille signée de son Altesse Serenissime Madame l’abbesse et Me François Jacques Maumousseau prestre bachelier en théologie aumosnier de cette abbaye qui a fait la cérémonie et a aussi signé ».
Dans le second cas, il est simplement indiqué en marge de la prise d’habit que la jeune femme n’a pas souhaité rester religieuse. On trouve ainsi en page 13 la prise d’habit de trois jeunes femmes le dix-neuf octobre 1741. Dans la marge, il est noté que : « La demoiselle de Montbel n’a pas demeuré, elle est sortie ». On trouve d’ailleurs les professions des deux autres en date des 28/10/1742 et 30/05/1743 respectivement en page 16 et 17.
Ce registre est important car si la procédure est la même pour toutes ces femmes, il est quand même bien fait une distinction entre les sœurs de chœur et les sœurs converses. Les premières sont généralement les filles issues de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie que les parents ont pu placer assez jeunes à l’abbaye pour y recevoir une instruction et une éducation religieuse. Une partie de ces filles, au terme de ce passage au pensionnat, en sortiront pour être mariées, mais certaines d’entre elles pourront y rester pour y devenir religieuses. Ces dernières auront pour principales fonctions de prier et de diriger l’abbaye en prenant certaines charges (tourière, portière, cellérière, etc.).
Les sœurs converses sont généralement de jeunes femmes d’extraction sociale bien plus humble et qui sont surtout destinées à travailler dans l’abbaye. Elles seront chargées des travaux dans le potager/verger ou au service de la table ou encore en cuisine, pour la préparation des repas. Elles ne sont généralement pas instruites et d’ailleurs certaines d’entre elles déclarent ne savoir signer le registre lors de leur prise d’habit ou au moment de leur profession solennelle.
La consultation du registre a été décisive pour comprendre où étaient inhumées les religieuses durant la période moderne. En effet, en page 86 du registre, on trouve mention de la sépulture de l’abbesse la plus prestigieuse de l’histoire de l’abbaye puisqu’il s’agissait de la petite fille de Louis XIV, Madame de Bourbon Condé évoquée dans les extraits ci-dessus. Elle a été inhumée en caveau dans le chœur des religieuses.
« Le vingt neuf septembre sept cens soixante et douze a été inhumé dans un caveau au pied de l’autel de la Sainte vierge dans le Chœur des religieuses de l’abbaye Royale de Beaumont les Tours par Monseigneur l’archevêque de Tours à la tête du châpitre de la metropole le corps de Son Altesse Serenissime Madame Henriette Louise Gabrielle Marie Françoise de Bourbon-Condé de Vermandois abbesse de cette abbaye décédée le dix-neuf de ce mois âgée de Soixante neuf ans, huit mois, cinq jours, munie de tous les sacrements de l’église en présence de la communauté , et des corps séculiers et Réguliers, et ont signé au Présent acte Madame Françoise de Preteseille [Celle qui a pris l’habit en 1739] souprieure, Madame Madeleine Fleury ???? et dépositaire, Messires Charles Chotard curé de Saint-Jean, et Jean Montour Prieur de Sainct Sauveur et autres témoins qui ont signés avec nous ».
Les fouilles archéologiques n’ont révélé qu’un seul caveau dans l’église, entièrement pillé probablement durant la Révolution de 1789. Combinées aux documents d’archives, les découvertes précisent donc, outre le lieu de sépulture de l’abbesse, la position du chœur des religieuses, espace où elles écoutaient la messe et où elles étaient inhumées.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Philippe Blanchard (2 octobre 2023). Des archives manuscrites pour la fouille. Chroniques de Beaumont. Consulté le 19 janvier 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/lwpk
