L’archéothanatologie : étapes de terrain
L’archéothanatologie est la discipline archéologique qui étudie les ossements humains afin de reconstituer les pratiques funéraires des sociétés anciennes. C’est une spécialité à part entière dont le référent est l’archéo-anthropologue. Il participe, sous la direction du responsable d’opération, à l’élaboration des stratégies de fouille et s’occupe de tout ce qui touche aux structures funéraires (sépultures, ossuaires, urnes cinéraires et bûchers, cénotaphes, …). Sur le terrain, il organise et encadre la fouille des sépultures ; en post-fouille, il se charge de l’inventaire des squelettes et de leur l’étude ostéologique, biologique et taphonomique.
Aux Casernes Beaumont, face à l’étendue de la zone à fouiller et au nombre important de sépultures estimées, ce ne sont pas moins de trois anthropologues qui travaillent en collaboration et en continu sur le chantier.
La fouille de sépulture
Une sépulture, malgré son apparente particularité, est avant tout une structure archéologique. Elle est fouillée avec les outils habituels (rasettes, pioches, pelles, truelles) auxquels viennent s’ajouter des outils plus fins, nécessaire au travail précis et minutieux de la fouille d’un squelette (pinceaux, spatules, outils de dentiste).
Un nettoyage de surface est d’abord réalisé afin de faire apparaître les limites de la fosse. S’ensuit un dégagement assez grossier de son comblement jusqu’à ce que le squelette soit découvert. Puis les ossements sont dégagés finement pour éviter tout déplacement qui fausserait les observations.
Une fois le squelette dégagé, une série de photographies est prise pour documenter, reconstituer et géolocaliser la sépulture.
Le fouilleur procède alors à un enregistrement archéologique de la structure complète (forme et dimensions de la fosse, présence de mobilier, vestiges d’architecture funéraire, etc.) avant qu’intervienne l’archéo-anthropologue.
L’enregistrement anthropologique et le démontage
L’enregistrement par l’anthropologue a pour but de proposer une restitution de la sépulture telle qu’elle était au moment de sa mise en place. Il faut tenir compte des changements qui ont pu intervenir depuis son installation, que ceux-ci soient d’origine anthropique ou naturelle : on parle de taphonomie[1].
L’archéo-anthropologue recense les ossements conservés et évalue leur état[2] , qui conditionne la quantité et la qualité des informations disponibles. Il décrit ensuite, de façon détaillée, la position de chaque os (face d’apparition et connexion avec les os adjacents). Il note si certains se sont déplacés, preuve d’un espace vide de terre (comme dans un sarcophage ou un coffre en bois), ou si d’autres sont encore en équilibre, signe d’un recouvrement de terre directement sur le corps voire d’une contrainte exercée sur celui-ci (par un vêtement, un linceul par exemple).
Le démontage du squelette intervient en fin de chaîne opératoire avec le prélèvement des os un à un et leur mise en sac. Des mesures d’altitude sont réalisées afin d’identifier d’éventuelles irrégularités du fond de fosse, de quantifier certaines élévations (tête, membres ou pieds surélevés), de possibles pendages ou soutirages.
La manipulation des ossements permet de noter les premières données biologiques (âge, sexe, stature) et pathologiques, informations qui seront complétées et affinées lors de l’étude en post-fouille.
Les squelettes ainsi prélevés sont ensuite stockés en attendant leur lavage et étude. Ces étapes seront réalisées lorsque la fouille de l’ensemble du site sera achevée.
Finalement, le fouilleur ré-intervient pour la fouille du fond de fosse afin d’assurer l’analyse exhaustive de la structure. Des relevés en plan et en profils sont réalisés.
Et après ?
Les enregistrements archéologique et anthropologique effectués sur le terrain seront complétés par les études menées en post-fouille, tant par l’archéo-anthropologue que par les autres spécialistes (céramologue, spécialiste du petit mobilier, physicien en charge des datations radiocarbone, etc.). Ce travail collectif permettra de discuter des gestes funéraires et de l’organisation des espaces sépulcraux utilisés au fil du temps.
Plus largement, les recherches de l’archéothanatologie, combinées à celles des autres domaines de l’archéologie (archéologie du bâti, étude des archives, palynologie, etc.), participent à la restitution de l’histoire générale du site.
Pour aller plus loin :
Dossier Inrap « L’archéo-anthropologie funéraire ».
Dossier Inrap « L’anthropologie ».
[1] C’est l’étude des « phénomènes qui régissent la conservation ou la destruction de vestiges d’origines organiques après leur enfouissement dans le sol » (Efremov IA (1940), Taphonomy : A new branch of paleontology, Pan-American Geology, 74, pp. 81-93).
[2] L’os est-il intact ou fragmenté ? Est-il solide et prélevable en un seul morceau ou bien écrasé, mou ou encore en partie dissout dans le sédiment ? Cela va influencer la qualité des informations à disposition.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
chloelacourarie (10 novembre 2023). L’archéothanatologie : étapes de terrain. Chroniques de Beaumont. Consulté le 19 janvier 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/lwpm
